Dotations volontaires sur le CPF en entreprise : usages, freins et leviers d’action

Depuis 2020, les employeurs ont la possibilité de verser une dotation volontaire sur le compte personnel de formation (CPF) de leurs salariés afin de cofinancer des projets de formation. Malgré cette opportunité, ce dispositif reste peu utilisé : seules 2,3 % des entreprises de plus de dix salariés y ont eu recours entre 2020 et 2023. Cette étude explore les conditions d’usage, les freins rencontrés et les leviers pour favoriser un recours plus large à ce mécanisme.
Les conditions favorables à l’usage des dotations volontaires
L’analyse met en lumière plusieurs facteurs qui influencent positivement le recours aux dotations volontaires sur le CPF. La taille de l’entreprise est un élément déterminant : plus l’entreprise est grande, plus elle est susceptible d’utiliser ce dispositif. Par ailleurs, certains secteurs, notamment les activités financières, d’assurance, l’industrie manufacturière et la production d’énergie, sont plus actifs dans l’usage des dotations volontaires, avec des taux respectifs de 7 % et 4 %.
Les entreprises qui dotent le CPF de leurs salariés affichent un effort de formation plus important, tant en termes de dépenses que de taux d’accès à la formation. Par exemple, 7 % des entreprises avec un taux d’accès à la formation supérieur à 63 % mobilisent les dotations, contre seulement 2,3 % en moyenne. Ces entreprises tendent aussi à répartir plus équitablement la formation entre les différentes catégories socioprofessionnelles, même si les cadres restent les principaux bénéficiaires des dotations.
Un autre facteur favorable est la structuration des pratiques de formation. Les entreprises disposant d’un programme de formation écrit ou d’un centre de formation interne, ainsi que celles finançant des dispositifs spécifiques comme la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) ou le bilan de compétences, sont plus enclines à utiliser les dotations volontaires.
Enfin, l’implication des représentants du personnel dans la gestion de la formation, notamment via le comité social et économique (CSE), favorise l’adhésion au dispositif, surtout dans les PME. Leur participation aux échanges et décisions contribue à une meilleure appropriation des dotations volontaires.
Entre stratégies RH et engagement minimal : quatre types d’usage des dotations volontaires
Les entreprises mobilisent les dotations volontaires selon des logiques variées, que l’on peut regrouper en quatre grandes stratégies :
1. Gestion locale des compétences dans les PME
Dans ce premier groupe, représentant 21 % des structures, souvent des PME des secteurs médico-social ou éducatif, l’usage du dispositif s’inscrit dans une gestion des compétences pilotée localement. L’employeur prend généralement l’initiative, en concertation avec le salarié, pour compléter le CPF afin de financer des formations ciblées, utiles à l’activité. Ces formations sont souvent réalisées sur le temps de travail et concernent des domaines comme le transport, la manutention, le travail social ou l’enseignement.
2. Réponse ponctuelle à des demandes individuelles
Ce groupe (25 % des établissements) utilise les dotations de façon parcimonieuse, souvent à l’initiative des salariés. Le dispositif est mobilisé de manière sélective, dans un contexte budgétaire contraint, pour valoriser ou fidéliser des profils qualifiés, notamment les cadres. Les formations sont plus souvent hors temps de travail et concernent les ressources humaines, la gestion du personnel, le travail social ou la préparation à la retraite.
3. Stratégie structurée dans un environnement favorable
Le troisième groupe, qui rassemble 29 % des entreprises, regroupe surtout de grandes structures des secteurs industriel, financier ou assurantiel. Ces entreprises intègrent les dotations volontaires dans une gestion planifiée des compétences, avec des services spécialisés et une forte implication des partenaires sociaux. Les formations financées visent à renforcer les compétences en lien avec l’activité principale et sont souvent réalisées sur le temps de travail. Le dispositif est utilisé comme levier complémentaire pour la fidélisation, la mobilité interne ou l’engagement des salariés.
4. Usage limité et informel
Enfin, 25 % des établissements ont recours de façon limitée au dispositif, avec une approche moins structurée. L’information est faible, les échanges entre employeurs et salariés sont rares, et les dotations sont souvent attribuées dans un cadre collectif ou pour des projets de reconversion. Les formations concernées sont généralement utilitaires ou des certifications de droit, sans lien direct avec les besoins stratégiques de l’entreprise.
Les freins à l’usage du dispositif
Plusieurs obstacles expliquent la faible diffusion des dotations volontaires :
- Le manque d’information : 71 % des entreprises non utilisatrices déclarent ne pas connaître ou mal connaître le dispositif, un déficit particulièrement marqué dans les petites structures.
- Le manque d’initiative des salariés : dans certains secteurs, les formations sont souvent obligatoires ou internes, et la mobilisation du CPF repose sur l’initiative individuelle, ce qui limite la co-construction avec l’employeur.
- Les contraintes organisationnelles : charge de travail élevée, difficultés de remplacement, recours au recrutement externe ou à l’alternance freinent l’investissement dans la formation via les dotations.
- Les difficultés d’accès à la plateforme CPF : notamment pour les salariés moins qualifiés ou peu familiers avec les outils numériques, ce qui nécessite un accompagnement renforcé.
- Les contraintes budgétaires : certaines entreprises, notamment dans les secteurs culturels, éducatifs ou de la santé, évoquent le manque de budget dédié à la formation comme un obstacle.
- L’absence de besoins perçus : certaines entreprises estiment que leurs besoins en formation sont déjà satisfaits ou préfèrent s’appuyer sur le recrutement et l’alternance.
Favoriser le recours au dispositif : quels leviers d’action ?
Pour améliorer l’usage des dotations volontaires, plusieurs pistes sont à envisager :
Renforcer l’accompagnement des entreprises
L’information doit être mieux diffusée auprès des employeurs et des salariés. Les opérateurs de compétences (OPCO) jouent un rôle clé dans ce domaine, en accompagnant les entreprises dans la mise en œuvre des actions de formation et en proposant des conseils adaptés. Les réseaux d’enseignes favorisant l’échange de bonnes pratiques contribuent également à une meilleure appropriation du dispositif.
Des outils pédagogiques variés, tels que guides, vidéos, webinaires ou MOOC, sont plébiscités pour sensibiliser davantage les acteurs concernés. Un interlocuteur dédié, accessible par téléphone, peut aussi faciliter le suivi et le développement des dotations volontaires.
Clarifier le champ des formations éligibles
Certaines entreprises souhaitent élargir l’offre éligible au CPF, notamment en intégrant des diplômes universitaires, des formations techniques ou non certifiantes. Le découpage des formations en blocs de compétences est également une demande récurrente pour mieux adapter les parcours aux besoins spécifiques des salariés.
Il convient toutefois de concilier ces attentes avec les finalités du dispositif et les préoccupations des partenaires sociaux, qui veillent à éviter un usage abusif des dotations.
Développer la coconstruction des projets professionnels
Le dialogue entre employeur et salarié est essentiel pour valoriser les dotations volontaires comme un accord gagnant-gagnant. Les entretiens professionnels doivent intégrer systématiquement la question des dotations, en s’appuyant sur des cadres formalisés et des accords collectifs impliquant les partenaires sociaux.
Enfin, encourager la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et promouvoir conjointement les dotations volontaires avec d’autres dispositifs comme la VAE ou le bilan de compétences peuvent renforcer leur utilisation stratégique.
En bref
Les dotations volontaires sur le CPF représentent un levier intéressant pour cofinancer la formation professionnelle en entreprise, mais leur potentiel reste largement sous-exploité. En combinant une meilleure information, un accompagnement adapté, une clarification des formations éligibles et un dialogue renforcé entre employeurs et salariés, ce dispositif pourrait gagner en attractivité et en efficacité. Pour les entreprises comme pour les salariés, il s’agit d’une opportunité à saisir pour construire des parcours professionnels plus dynamiques et adaptés aux enjeux actuels du marché du travail.
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