Fonds de formation : France Compétences durcit sa régulation (Décrets du 22 juin)

Le 22 juin 2025, deux nouveaux décrets (n° 2025‑558 et n° 2025‑560) ont été publiés au Journal Officiel, actant un tournant important dans la gestion financière du système de formation professionnelle. Derrière leur apparence technique, ces textes traduisent une volonté de reprendre le contrôle d’un modèle fragilisé par plusieurs années de déséquilibres budgétaires.
Un système sous pression depuis la réforme de 2019
Depuis la naissance de France Compétences en 2019, l’établissement public est chargé de centraliser et de répartir les fonds de la formation professionnelle. Cette réforme visait plus d’efficacité, mais elle a rapidement montré ses limites. Notamment en ce qui concerne le Compte Personnel de Formation (CPF), dont la popularité a entraîné une explosion des dépenses, sans que les recettes ne suivent.
Ce décalage a conduit à :
- Des déficits annuels importants pour France Compétences,
- Des appels à des financements exceptionnels pour éviter l’asphyxie financière,
- Une répartition inégale des fonds, avec certains acteurs locaux disposant de réserves dormantes pendant que d’autres peinent à financer les demandes.
Ce que changent les deux nouveaux décrets
Un plafond pour les excédents des Opco et CPIR (Décret n° 2025-558)
Jusqu’à présent, les Opco et les CPIR pouvaient conserver d’importants montants en réserve, parfois au-delà des besoins réels. Le décret du 22 juin vient limiter cette pratique en plafonnant les fonds propres à 10 % des recettes annuelles (avec une tolérance à 15 % pour l’année 2025).
Concrètement : tout excédent au-delà de ce seuil sera récupéré par France Compétences, qui le redirigera vers les territoires ou dispositifs en tension.
Des versements conditionnés et plus fréquents
Autre nouveauté : les versements aux Opco et CPIR ne seront plus automatiques ni forfaitaires. Ils seront désormais trimestriels et ajustés en fonction des besoins de trésorerie réels, évalués de manière précise.
Objectif : en finir avec les caisses remplies mais inactives, et rapprocher la logique de financement du modèle de gestion budgétaire de l’État.
Ciblage et transparence renforcés pour le CPF de transition (Décret n° 2025-560)
Le deuxième décret s’intéresse au CPF de transition, un dispositif destiné aux reconversions professionnelles. Désormais, chaque dotation devra être justifiée et faire l’objet d’un suivi strict. Les fonds non utilisés en fin d’année ne pourront plus rester en réserve.
But recherché : garantir que chaque euro engagé bénéficie effectivement à des parcours de transition professionnelle concrets, en évitant l’immobilisation de crédits.
Une ambition claire : restaurer l’équilibre et l’efficacité
Au-delà des aspects techniques, ces deux textes illustrent une inflexion stratégique : France Compétences veut jouer pleinement son rôle de régulateur. En recentrant la gestion sur les besoins réels et en limitant les dérives de trésorerie, l’objectif est double : améliorer l’équité territoriale et redonner de la marge de manœuvre à un système budgétairement sous tension.
Dans un contexte de transitions écologiques, numériques et professionnelles massives, il est impératif de garantir un financement fluide, juste et durable. Ces nouvelles règles vont dans ce sens, en imposant plus de rigueur sans freiner l’ambition de la formation continue en France.